Que c'est banal de se faire des idées sur les autres, sur les gens en général, du juger sans connaître, de porter des avis sans fondements, de préjuger sans la moindre hésitation. Je ne suis ni mieux (si peut être un peu parfois !) ni pire que les autres. Je peux avoir de la compassion tout comme je peux être indifférente à quelqu'un ou une situation, j'ai mes avis, mes préjugés et il m'arrive de ne pas en démordre ni de vouloir le faire. Pourtant je suis quelqu'un de tolérant.
Ainsi je me suis toujours demandée pourquoi quelqu'un qui habite en France depuis de nombreuses années ne parle toujours pas bien notre langue. Cela semble improbable et pourtant il a fallu que je me rende à l'évidence, parfois ce n'est pas ni simple ni vraiment du fait de la personne. Bon pour Jane Birkin, je n'ai pas d'avis !
Ainsi je suis entrée par hasard et beaucoup plus intensément que je ne l'aurais pensé dans la vie des autres, dans la vie de certains qui ont choisi il y a longtemps la France comme terre d'accueil. Qui y ont travaillé à la sueur de leur front, qui y ont fait des enfants français et qui pourtant ont toujours beaucoup de mal à s'exprimer et à se faire comprendre.
Elle s'excuse cette femme avec qui je suis devenue plus proche. Elle s'excuse pour son français qu'elle sait ne pas être correct et pourtant elle en fait des efforts. Elle a d'abord suivi son mari qui a choisi la France pour une opportunité de travail. Elle a quitté ses amis et sa famille pour arriver dans un pays étranger où la seule connaissance était un cousin de son mari. Ils ont travaillé avec des gens dont la langue était la leur. Ils n'ont pas vu le temps passer, occupés qu'ils étaient à bosser. Ils ont eu des enfants, entre le travail et la famille, il a fallu assurer tout le temps. Pas le temps pour apprendre le français. Quand on est épuisé après 12h de travail, on parle dans la langue que l'on connait.
Oui ils sont restés enfermés dans une vie où ils croisaient beaucoup de leurs compatriotes mais elle m'a raconté que ses voisins parisiens n'étaient pas toujours accueillants. Que la barrière de la langue justement a freiné les échanges. Que les efforts ne se font pas forcément de l'autre côté. Que lorsque l'on est isolé socialement, il n'est pas aisé de faire des progrès en langage.
Alors même si les enfants grandissent et parlent français, cela ne suffit pas. Et lorsque pour des histoires de logement, elle se retrouve dans une toute petite ville sans travail, cela suffit encore moins. A la sortie de l'école, les parents ne font pas plus d'effort que les anciens voisins parisiens. Elle n'ose pas parler car elle se sent mal à l'aise avec son français et les autres ne veulent pas échanger dès qu'ils comprennent qu'ils vont avoir du mal à comprendre... Chacun reste avec ses préjugés et ses barrières.
Elle est mère au foyer, seule pendant que son mari travaille et je peux vous dire qu'il ne ménage pas ses efforts mais il est à son compte et s'exprime dans sa langue maternelle, il parle français beaucoup moins bien qu'elle. Elle n'a pas d'amie et ses coups de fil ou séances de Skype, évidemment elles sont dans sa langue avec sa famille et ses amies restées au loin. Pourtant elle essaie, elle cherche ses mots, elle regarde son application de traduction et elle s'en sort même si quand la situation est compliquée elle ne saisit pas tout. Les enfants sont là pour traduire quand il le faut. D'ailleurs ils sont extras ses enfants et bons élèves c'est une évidence.
Elle m'a touchée cette femme, cette famille m'a touchée. Ils sont généreux, simples et ne se plaignent pas beaucoup. Elle se sent seule, c'est difficile, elle meurt d'envie de rentrer chez elle mais elle sait que ses enfants ne s'y acclimateront jamais car ils sont français, la différence de culture est trop grande, ils n'ont aucune envie de partir. Elle a su m'expliquer tout ça, me parler de tout ça avec son français cabossé.
Je suis entrée dans la vie des autres, j'ai pris le temps et la peine de vraiment écouter et j'ai chassé quelques préjugés... Je me suis sentie comme l'enfant à qui on fait la leçon mais j'ai aimé ça...
Ps : Jane, si tu veux m'expliquer, je suis à l'écoute !